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Cinéma

La nuit du chasseur

 

La nuit du chasseur

Charles Laughton / 1955 / N&B / 1h33 / USA

Synopsis

Un prêcheur inquiétant poursuit dans l'Amérique rurale deux enfants dont le père vient d'être condamné pour vol et meurtre. Avant son incarcération, le père leur avait confié dix mille dollars, dont ils ne doivent révéler l'existence à personne. Pourchassés sans pitié par ce pasteur psychopathe et abandonnés à eux-mêmes, les enfants se lancent sur les routes.

Équipe technique et distribution

Scénario : James Agee et Charles Laughton d'après le roman La Nuit du chasseur de Davis Grubb / Production : Paul Gregory / Photographie : Stanley Cortez / Son : Stanford Houghton / Montage : Robert Golden / Direction artistique : Hilyard M. Brown / Musique : Walter Schumann

Avec Robert Mitchum : le révérend Harry Powell / Shelley Winters : Willa Harper / Lillian Gish : Rachel Cooper / Billy Chapin : John Harper / Sally Jane Bruce : Pearl Harper / James Gleason : « Oncle » Birdie Steptoe

Sur le film, en quelques mots

James Agee a écrit le scénario de La nuit du chasseur. James Agee, écrivain américain, a entre autres choses publié en 1936 un livre avec le photographe Walker Evans, Louons maintenant les grands hommes. C'est un livre sur des métayers balayés par la grande dépression des années 30.

Tel est le contexte de La nuit du chasseur. C'est dans un monde où les liens sont dissolus par la misère, où la grande pauvreté corrompt le sens moral des individus.
Ainsi, un père de famille, Ben Harper, commet un hold up sanglant. Mais cette violence n'avait qu'un but, subvenir aux besoins de sa famille, Ben Harper est aussi le père aimant de deux enfants, John et Pearl.
Ainsi, un prêcheur psychotique et particulièrement malsain dans son rapport aux femmes (une sorte de cas d'école psychanalytique) est persuadé que tous les crimes qu'il commet, en infraction avec toute moralité et préceptes religieux, sont en fait motivés par une relation directe qu'il aurait avec Dieu. Ce prêcheur, Harry Powell, tue des femmes pour s'approprier leurs biens, et selon lui, purifie le monde de la peste féminine.
Powell le prédateur se met alors en chasse : il sait que les petits John et Pearl savent où se trouve le butin du holp-up commis par leur père.
Ici encore, comme dans Allemagne année zéro ou L'enfance d'Ivan, la situation est celle de la relation entre enfants et adultes dans un monde devenu cauchemar.
Un monde auquel finalement ni les adultes ni les enfants ne sont préparés, un monde anormal, et dans lequel l'enfant n'est pas un adulte miniature et incomplet, mais un être à part entière, distinct de l'adulte, certes, mais autonome, puissant à sa manière, souverain.
John et Pearl sont ainsi confrontés au Mal, qui traverse Powell, bien sûr, mais dont il n'est qu'un vecteur fascinant, et pas la source.
La source du Mal, plus sourdement, est dans la bonhomie du bourreau, dans la bêtise de la foule, dans la médiocrité du monde. Powell est humain.
On peut dire qu'on ne peut faire la paix qu'avec un ennemi. Comme Powell est un ennemi pour John et Pearl, on peut dire qu'un des chemins du film est la recherche de la paix entre eux, la possibilité de la paix.
Et pour faire la paix, souvent, il faut un médiateur entre les antagonistes. C'est à Lillian Gish, Rachel Cooper dans le film, qu'incombe ce rôle, celui de pouvoir chanter avec le révérend Powell.

Et puis. La nuit du chasseur est comme un film muet, marqué par la lumière et le découpage des films muets particulièrement d'une période du cinéma allemand qu'on dit "expressionniste".
L'image est très contrastée, la construction des plans fait apparaître en permanence des géométries tranchées et déformées (des triangles, des trapèzes, de zones noires et blanches dans les cadres).
Dans un monde a priori manichéen (le Bien et le Mal comme des zones antagoniques et clairement définies), rien n'est aussi simple qu'il y paraît.
Même la distinction homme/animal n'est pas strictement opérante, il faut voir les présence de la vie sauvage dans le film quand John et Pearl fuient le Révérend sur le fleuve.

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