#9 - Le raffinage de l’ignorance
L'épisode #9 du Capri-Sonne aborde la question du statut du savoir dans l’action Sup de Sub - Mark Hubbard
“ La politique d’apprentissage de Sup de Sub - Mark Hubbard met l'accent sur la création ; c’est l’être artiste de tout être qui est appelé à se révéler/se développer, non pas pour intégrer [en tant que professionnel·le et non plus amateur·e] les conventions et les cadres de l’un des domaines créatifs bien établis, mais pour les détourner tous et ouvrir la création à la construction par chacun et chacune de sa vie quotidienne. En somme, il s’agit de "faire de sa vie une œuvre", mais, et il faut le préciser aussitôt, comme une œuvre collective. L’esprit de création que Sup de Sub encourage s’appuie autant sur la coopération (le collectif) que sur l'individuation, tout en recherchant le dépassement de cette polarité. Il ne met pas en avant la seule spontanéité car trop solitairement valorisée, la spontanéité finit par s'accommoder de l’ignorance et l’on réinvente alors plus que l’on ne crée. Il ne repose pas non plus sur la seule intuition, car trop isolément mise en valeur, l’intuition peut renforcer l'égocentrisme. La création pour les étudiant·e·s de SdS-MH ne doit pas être un simple reflet de soi, mais une ouverture vers quelque chose de plus grand, un "ça" qui dépasse le·la créateur·rice et l’emmène vers un ailleurs imprévu, encore inconnu.
L’esprit de création que nous cultivons doit être ouvert et transformateur. C’est un esprit fertile lancé sur un trajet d’aventure, qui revient à l’insu - point de départ de toute école - mais par les voies du savoir, de façon socratique, pourrait-on dire. En effet, la vocation du savoir n’est pas de fuir l’ignorance, mais de la raffiner. L’ignorance qui nous reste, quand elle est à la fois réduite et agrandie par la connaissance, est terreau de création et d’innovation : l’insu, cet espace indicible des créations, ce lieu/non-lieu des apparitions (que l’on touche lorsqu’un groupe d’étudiant·e·s, par exemple, réalise un film qui dépasse ses propres attentes, révélant des connexions inattendues entre l’expérience personnelle et des réalités sociales plus vastes. Cette création devient alors un lieu où ce qui semblait caché ou ignoré fait surface, éclairant à la fois le créateur·rice et le spectateur·rice). L’enjeu n’est pas de savoir mais d’apprendre à ignorer mieux, le mieux possible. Le raffinage de l’ignorance n’est pas une simple idée philosophique, mais un système de production créative, où chaque étape du processus s’inscrit dans une dynamique collective. L’ignorance raffinée n’est plus une ignorance vide ou absolue mais une forme de conscience que l’essentiel reste toujours à découvrir. C’est une volonté commune et continue d’exploration de données et de techniques, qui mobilise l’esprit de recherche propre à l’humain mais plus ou moins développé ou latent selon les êtres et leurs histoires. Cette recherche passe par l’étude, l’enquête, la mise en perspective, l’hypothèse, l’expérimentation. Elle vise l’au-delà du savoir, cet espace toujours inconnu mais déjà éclairé : le bord du néant d’où la créativité remonte à la lumière ses objets sans noms.
Et puis ? au lieu de la mémorisation : du mémorable, de l’inoubliable. L'étudiant·e qui aura parcouru ce chemin se souviendra du plaisir pris à la recherche active de ce qui est su pour toucher ce qui ne l’est pas encore. Il·elle se souviendra d’avoir vu le monde non plus comme un environnement hostile ou en danger mais comme le réceptacle délicat de savoirs reliés, intriqués, et comment oublier l’émotion que libère leur découverte ? ”
Une émission animée par Julien Chollat-Namy, cinéaste, intervenant au sein de Sup de Sub - Mark Hubbard et membre de LFKs.
LE GOÛT DU CAPRI-SONNE
Depuis septembre 2019, existe Sup de Sub - Mark Hubbard, titre énigmatique, pour une école supérieure de quartier À ce jour, 4 promotions se sont succedées. Déployées sur deux campus, l’un au bord du Canal de l’Ourcq, à Bobigny, en Seine-Saint-Denis l’autre sur la rive nord-Méditerranéenne, à Marseille avec un temps des annexes rurales : à Lormes, dans le massif du Morvan, pour le campus de Seine Saint Denis, à Barjols en Provence pour le campus de Marseille. Chaque promotion rassemblent +/- 80 jeunes hommes et jeunes femmes, 40 par campus. Ils ont et elles ont entre 17 et 26 ans, tous et toutes en délicatesse avec les systèmes – système scolaire, système pénal, système hospitalier, identitaire, administratif… Mise en œuvre — au sens plein — par LFKs coopérative, cette action a pour motto : Faire sa vie, comme une œuvre. A l’invitation de Radio Grenouille, une émission pour arpenter ces questions « LE GOÛT DU CAPRI-SONNE » constituée de dix épisodes d’une heure chacun.