Bonjour
Yasujiro Ozu / 1959 / Couleur / 1h34 / Japon
Synopsis
Dans une ville de la banlieue de Tokyo, la vie suit tranquillement son cours : les mères de famille s’occupent de leur intérieur tout en jalousant celui des autres, les pères se croisent au café du coin et s’inquiètent de leur retraite à venir, tandis que les fils passent leur temps à regarder la télévision chez un voisin jugé trop excentrique. Un soir, les jeunes Minoru et Isamu pressent leurs parents pour avoir leur propre poste de télévision, en vain : l’aîné se met alors en colère face à l’hypocrisie des adultes et décide de faire une « grève de la parole », aussitôt suivi par son jeune frère…
Équipe technique et distribution
Scénario : Kōgo Noda et Yasujirō Ozu / Musique : Toshiro Mayuzumi / Direction artistique et décors : Tatsuo Hamada / Photographie : Yūharu Atsuta / Montage : Yoshiyasu Hamamura / Production : Shizuo Yamanouchi / Société de production : Shōchiku
Avec Kōji Shidara : Minoru / Masahiko Shimazu : Isamu / Chishū Ryū : Keitaro Hayashi, le père / Kuniko Miyake : Tamiko, la mère / Yoshiko Kuga : Setsuko Arita, la tante / Keiji Sada : Heichiro Fukui, le professeur
Sur le film, en quelques mots
Les enfants font des concours de pets. Le pet, c'est ce qui précède la merde. Or l'enfant, étymologiquement, c'est celui qui ne parle pas encore. Logiquement, si celui qui ne parle pas pète, celui qui parle chie.
Et c'est la question centrale du film : parler, est-ce dire autre chose que de la merde ?
Dans un monde en mutation, celui d'une société traditionnelle colonisée par la culture occidentale (les voisins "zazous", la télévision et les lave-linges...) quelle parole prononcer qui ne soit pas dérisoire ? Les lettrés, dans le film, ceux qui savent, ne font que traduire l'anglais. A l'école, les enfants n'apprennent avec la langage que "marabout - bout d'ficelle". La parole sert à médire entre voisines. A quoi bon parler, et de quoi ? Les mots ne veulent plus rien dire, ne restent que les formules vagues et générales par lesquelles les êtres communiquent, la politesse, la météo... Cela les enfants le refusent ici. Quitte à ne rien se dire, autant regarder la télé. Et comme cela leur est interdit, alors ne rien dire du tout. Sur ce ton badin et scatologique, dans des trésors de cadres, d'images, de détails et de couleurs dans des intérieurs d'estampes, c'est une méditation sur la puissance et la nécessité de la banalité, sur le vide sur lequel s'appuyer, que Bonjour.