Compendium
CaD Cinéma
La prise de son cinéma
LA MODULATION - Les fondamentaux de l’enregistrement sonore
[TEXTE - PICS - SCHÉMAS // 30 minutes] [30 minutes]
L’écoute, se créer une référence de niveau
Avant même de moduler une source (ou plusieurs), il faut définir une référence de niveau.
Cette référence de niveau est fondamentale pour l’opérateur du son car elle permet :
- de commencer toujours un enregistrement au même niveau et ainsi assurer au maximum une continuité
- de maîtriser la dynamique (différence entre le son le plus fort et le son le plus faible - cf. Cad_5#1)
On peut le faire à l’oreille, mais à condition de se maintenir dans un environnement à peu près constant.
Pourquoi ?
Prenons un exemple visuel : il nous est facile de sentir une petite variation d’intensité lumineuse, mais si l’on passe brusquement de très intense à très sombre, l'œil humain a besoin d’un certain temps d’adaptation avant de pouvoir à nouveau voir avec précision.
L’oreille humaine fonctionne de manière similaire ; nous sommes capables de percevoir une différence d’intensité sonore de l’ordre décibel (dB), mais cette différence d’intensité sonore peut être mal distinguée :
- Si un son perçu comme fort au milieu d’une ambiance très calme est réellement intense.
- S’il est seulement en contraste avec l’environnement.
Pour cette raison, la prise de son en tournage imposent d’utiliser un casque qui isole bien des bruits extérieurs.
(Il s’agit de distinguer ce qui est capté par le seul microphone et de ce qui est capté par nos oreilles directement dans l’environnement).
On règle son niveau d’écoute selon son confort personnel.
Comment ?
Si un signal vous paraît trop faible dans le casque, vous aurez tendance à pousser le gain (Cad_5#1), s’il vous paraît trop fort vous aurez tendance au contraire à le retenir.
Conserver toujours la même réglage de volume, il devient alors facile de se fabriquer une référence constante.
Mesurer le son
Il y a plusieurs façon de mesurer le son sur un enregistreur :
- avec un “Vu-mètre”
on mesure une sorte de niveau moyen de la vibration sonore.
Il est représentatif de la perception sonore par l’auditeur, mais il l’est moins de la réalité du niveau sonore instantané enregistré.
Son échelle indique des niveaux de -20db Vu à +3db Vu.
- avec un “Peak-mètre” (ou Crête-mètre)
on mesure les crêtes du son, c'est-à-dire le niveau le plus haut.
Il mesure le sommet des crêtes des sons, à condition toutefois que celles-ci soient d’une durée supérieure à 10 ms (c’est le temps de montée du Peak-mètre) :
C’est le bon outil pour mesurer le signal sonore à enregistrer, afin de bien optimiser le rapport signal sur bruit de l’enregistrement. En revanche, il représente mal la perception de l’auditeur.
Sur les enregistreurs numériques (à savoir presque tous les enregistreurs aujourd’hui), on trouve des peaks-mètres qui indiquent le maximum de l’échelle par 0
C’est le 0 dB pleine échelle (full scale en anglais), que l’on note “0dB fs” :
- On ne peut pas dépasser : c’est le niveau maximal qu’un convertisseur peut coder.
- Si l’on cherche à dépasser ce niveau, une saturation très désagréable se fait entendre : la saturation numérique.
Comment moduler
Rappel (CaD_5#1) concernant une enregistrement de voix :
- si le signal est trop fort : trop proche de la limite maximale, il y a saturation.
- si le signal est trop faible : trop proche du souffle de l’appareil, le niveau de voix se perd dans le bruit de fond.
Dans les deux cas, impossible d’exploiter correctement le son en postproduction (montage son, mixage).
Pour un enregistrement de musique classique, on peut laisser plus de dynamique entre les sons forts et les sons faibles, sachant que ce type d’enregistrement demande obligatoirement un environnement très calme.
Moduler n’est pas seulement une question de niveau électrique, c’est aussi une question d’écoute et de sensation sonore.
On fait un compromis entre :
- Un niveau correct apportant une bonne dynamique proche du niveau nominal pour un travail aisé pour le mixage.
- Une sensation sonore agréable, comme si le mixage était déjà fait.
En tournage, on peut rectifier, accompagner une nuance de jeu pendant une scène :
- Soit avec le potentiomètre.
- Soit avec la perche (elle s’écarte pendant un cri puis revient en position pour la suite du dialogue).
Une fois le niveau réglé correctement, il faut savoir lâcher le potentiomètre, particulièrement en documentaire, où le preneur de son gère à la fois à la perche et à l’enregistrement…
Pour atténuer un cri, une porte qui claque ou un coup de feu, un mouvement de perche est très efficace pour éloigner le son du micro. C’est une pratique très courante, y compris en fiction : le perchman et le chef opérateur du son agissent ensemble sur la modulation.
La saturation
La prise de son direct comporte souvent une grande part d’improvisation : le jeu des acteurs peut changer d’une prise à l’autre, et avec lui leur niveau de voix et leurs déplacements.
Pour moduler convenablement des sources vivantes, il faut parfois savoir gérer des écarts d’intensité très importants, sous peine de dépasser les capacités de reproduction fidèle de l’enregistreur. Comme pour l’image, lorsque l’intensité du signal d’entrée est trop élevée pour être codée convenablement par le convertisseur analogique/numérique, celui-ci “perd les pédales”.
Par exemple, si on photographie le soleil (l’intensité extrême du soleil est un peu l’équivalent d’un niveau sonore très élevé) avec un appareil photo compact : on obtient une saturation du capteur qui affiche une grosse tâche blanche en plein milieu du cadre. En matière de son, la tâche devient un gros “scratch” à pleine puissance très douloureux pour les oreilles.
Pas question cependant de travailler à un niveau très faible pour empêcher toute saturation :
- Un(e) opérateur(trice) apprend à écouter et à regarder les comédiens : une intention visible précède souvent une variation de voix.
- Lorsque ce changement de niveau n’est pas intuitif, il faut se mettre d’accord avec le ou la comédienne avant la prise.
Les enregistreurs numériques sont équipés de limiteurs de niveau :
- Ils maintiennent le signal en deçà de l’écrêtage de façon automatique ou semi-automatique.
- L’opérateur leur définit le niveau maximal admissible à la pleine échelle (0 dB fs) ou à un palier inférieur choisi.
Le rapport signal/bruit
Depuis la généralisation des systèmes sans fil avec micro-cravate (systèmes HF), les limites techniques de la prise de son directe ont été considérablement repoussées :
Il est aujourd’hui envisageable d’enregistrer de façon satisfaisante un dialogue dans un environnement assez bruyant, ce qui est impensable avec une simple perche.
Mais ce progrès reste artificiel, car la pollution sonore de la plupart des lieux de tournage est au moins équivalente, voire plus importante qu’il y a quelques années (avions, voitures, etc)
Le rapport signal/bruit :
- Il mesure la différence de niveau entre le bruit de fond généré par la machine et le maximum du signal utile (les voix ou autres sources sonores choisies)
On parle de bruit de fond à propos aussi du ronronnement incessant dans une ville, qui en extérieur est souvent une contrainte pour enregistrer une voix.
- Il est un critère de qualité, par exemple, pour enregistrer des sons très ténus dans le silence.
Un bon rapport signal/bruit indique une nette différence de niveau entre le signal utile (voix) et le bruit de fond (souffle machine, bruit environnant).
Pour aller plus loin, lire :
La Chaîne du son au cinéma et à la télévision de Lucien Balibar
Paru le 06/02/2019
Éditeur Dunod
Collection Audio-Vidéo
Format 17cm x 24cm
Nombre de pages 320
Guide la prise de son pour l’image de Vincent Magnier
Paru en juillet 2019
Edition Dunod
Collection Audio-Vidéo
Format 19,3cm x 26,5cm
Nombre de pages 256