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Art et Activisme du domaine de l'habitat

LA FÉMINISATION DES QUARTIERS DE GRANDS ENSEMBLES - Tour-Réservoir - LFKs -

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Discours des membres de LFKs au Volcan (scène nationale du Havre)

à l'occasion de la présentation de Tour-Réservoir, le 15 septembre 2016.

tour-reservoir.com a été le premier site entièrement génératif au monde ; sorte de documentaire infini, réalisé en coopération entre des habitantes d'une grande tour du Havre, la tour réservoir, d'autres habitantes du quartier autour, Caucriauville et LFKs.

 

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À la présentation, si le Maire (Édouard Philippe) était absent, l'ensemble des élu·e·s étaient dans la salle, du moIns au début ; ils et elles la quittèrent tous ensemble sans attendre la fin de ce long propos liminaire, délibérément prononcé avec des voix mornes, sans effets ni fioritures, par Delphine Varas, Thierry Arredondo et Jean Michel Bruyère. Excédé·e·s par les propos, mais aussi par la manière, les élu·e·s sont parti·e·s tous ensemble et sans attendre la montée des femmes du quartier sur la scène, toutes magnifiquement endimanchées, venues fièrement, sur fond d'un rock noise live déchaîné du groupe havrais The Forth is Bearded, confronter le public du Volcan et la Ville, avec des sourires ravageurs. Mais voilà, les représentant·e·s de la Ville ont choisi de leur tourner le dos bien avant cela, poussé·e·s hors d'eux, hors d'elles et hors du théâtre par l'attitude affreuse d'artistes dont on attendait plutôt du sentimentalisme, de la bien-pensance et de la mesure, des artistes que l'on aurait dû voir s'empêtrer dans des remerciements, les joues rougies par l'émotion et tout le poids de la reconnaissance tutélaire, et qui n'ont pas joué le jeu de l'effacement, la comédie du retrait béat derrière les enjeux de la "participation populaire". Une future ministre (du gouvernement Philippe !) qui était là, est restée, elle, jusqu'au bout et s'est enthousiasmée. Un demi raté, donc, pour LFKs qui tient tant à ne jamais réussir ?

Voici le texte du discours, in extenso ; Il est question d'habitat, de quartier et d'une histoire de la séparation par les arts et la culture.

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Tour-Réservoir est une tentative pour un théâtre électronique et dématérialisé où pourraient se représenter quelques-uns, quelques-unes parmi celles et ceux d’entre nous dont la forme de vie n’est pas autrement à l’œuvre dans la représentation générale d’une société commune, dans la composition complexe de l’image et de l’idée qui nous rassemblent, qui nous font être ensemble, être un ensemble, au-delà de la seule proximité spatiale.

C’est l’enjeu de cette expérience : créer une scène où se représenter parmi nous, pour quelques-unes, pour quelques-uns que les moyens dits traditionnels de la représentation ne servent pas, ne touchent pas, n’atteignent plus. La tradition que ces moyens constituent est bien courte, mais elle atteint déjà les limites de sa pertinence. Nos formes normées de la représentation, les codes administratifs de notre culture dite commune, tels qu’ils encadrent la création, ont été établis en quelques décennies seulement, mais au XXe siècle… un autre siècle… un contexte très différent, un tout autre temps de la vie ensemble et de la vie privée, et tout cela a tant vieilli et si vite. Nous voilà ici et maintenant sur-équipés pour décrire une époque qui n’est plus la nôtre, la tradition qu’il s’agit a perdu entièrement son socle et l’organisation culturelle tourne alors au rituel et à la nostalgie. Certains défendent encore la perpétuation de ces moyens, voudraient que rien n’ait changé, mais tout est changé. Nous peinons à comprendre que la boîte à outils de la représentation que nous a laissé le XXe siècle est seulement encombrante, parce qu’elle est énorme, pesante, mais inutile, qu’elle désœuvre la description d’un présent commun, qu’elle empêche la projection d’un devenir collectif.

Mais nous voilà rendus à un moment du monde où tout ce qui ne nous rassemble pas nous disloque et il faut rechercher des moyens nouveaux pour représenter notre communauté refaite.

Pourquoi et comment a été pensé le système culturel dont nous héritons tous et qui nous encombre désormais ? Des conditions au temps de son établissement jusqu’à celles qui sont les nôtres aujourd’hui, la différence est formidable. Alors, pourquoi, en matière de représentation de soi parmi les autres, restons-nous avec une Culture majuscule et du socio-culturel avec une « police »… de caractères en bas de casse ? Cette division, ce concept binaire à l’énergie centrifuge, n’a plus de sens.

Le Havre avec sa ville Haute, surtout moderniste et pauvre, et sa ville Basse devenue patrimoine mondial si précieux qu’il faut même payer un droit d’auteur d’architecture si on veut y filmer des habitants et habitantes qui y marchent, pour se rendre au pôle emploi, par exemple, et depuis que les équipements sociaux désertent les quartiers. Le Havre avec son passé de gauche et son futur à droite, Le Havre construite par un grand roi, détruite par de grands démocrates et reconstruite par un grand bourgeois, mais fils de communard, Le Havre et son Volcan dessiné par un génial esthète marxiste et récemment restauré en salon de Sofitel par un… Le Havre est évidemment une ville bien choisie, pour se demander dans quelle forme de séparation la représentation nous maintient-elle et comment pourrait-on, à partir de là, laisser les vieilles catégories, pour être plus et être mieux ensemble. Alors, nous sommes là. Pourtant, LFKs, notre collectif d’artistes, n’a pas choisi d’être là, c’est Jean-François Driant, directeur du Volcan qui nous a choisis. Merci beaucoup à lui.

 

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La Culture ou l’animation socio-culturelle. De nombreuses expériences d’évitement de cette partition binaire sont tentées aujourd’hui, mais pour la plupart, elles se trouvent vite reprochées d’agir une moralisation de l’art, une instrumentalisation de l’art, parce qu’elles porteraient ce dernier à suppléer les politiques de la ville, parce qu’elles participeraient ainsi au maintien des déséquilibres, parce qu’elles conserveraient de la relation une approche paternaliste et condescendante, « exactement comme on a pensé les colonies », disent les plus remontés. Alors pour l’essentiel, Culture et socio-culture restent à organiser nos imaginaires en deux parts distinctes et inégales dans leurs ressources. Mais cette partition, d’où vient-elle ?

L’animation culturelle est apparue en France dans la dynamique de progrès des classes populaires vers la vie de confort et d’hygiène que promettait l’habitat collectif moderne. L’animateur culturel, héritier de l’Éducation populaire, a été l’un des acteurs essentiels des Trente Glorieuses. Il traduisait au quotidien, pour les habitants des Grands ensembles urbains, la volonté d’un État protecteur quand celui-ci se disait convaincu de définir une limite à la dépendance de la base ouvrière vis-à-vis de ses employeurs et entendait organiser ce moment nouveau de la vie populaire, ce temps émancipé de l’autorité de l’emploi : le temps libre, que l’animateur se chargeait alors d’orienter vers une gamme de loisirs et de divertissements culturels certifiés propices au meilleur épanouissement individuel. Déplacée de la question sociale du monde du travail vers celle du cadre de vie, l’action culturelle se dépolitisait pour se « socio-culturaliser ». L’État également soucieux d’affranchir les primo-arrivants vis-à-vis de leur milieu d’origine et tenant pour eux un projet général d’assimilation, bonnement décrit en tant que « déconditionnement social des travailleurs immigrés », comptait aussi sur l’animateur culturel pour organiser, à l’intention des immigrés, des activités telles que la pratique de la danse, la lecture, le théâtre, etc, par l’enchantement desquelles serait comblé le vide laissé dans l’être après l’anéantissement, tenu pour obligatoire, de toute identité précédente. Usant de stratégies appropriées, toutes expérimentales et pour quelques-unes teintées d’angélisme, l’animateur culturel participait de l’invention d’une vie ensemble pacifiée et adaptée à la situation du logement pour tous. Le projet urbain des grands ensembles avait offert de normaliser l’habitat populaire sur un territoire nouveau, qui n’était ni ville ni campagne, mais encore fallait-il inventer ce que pourrait bien être une vie normale rapportée à des conditions jusque-là inconnues et fournir à cette norme nouvelle ses fondements symboliques propres : une culture, un art, du moins un art du vivre là.

 

 

Les grands ensembles, implantés en un temps record sur tout le territoire, apportaient une solution radicale au problème qu’avait posé à la ville le productivisme en réclamant toujours davantage de main-d’œuvre, venant de toujours plus loin et saturant le peuplement des centres-villes où s’étaient entassés par centaines de milliers les travailleurs pauvres, dans des taudis insalubres, dont la population autochtone et les pouvoirs locaux redoutaient l’alcoolisme, la violence, l’esprit de révolte, les nids épidémiques… résultant des pires conditions d’habitat urbain connues depuis le XVIIIe siècle. Mais le projet social prévalant à la constitution des grands ensembles était davantage que la seule résolution d’une crise des villes qui, certes, souffraient d’un excès de pauvres, mais aussi tiraient une grande puissance de l’économie de l’industrie, s’identifiaient à elle et fondamentalement la supportaient. Ce projet était le résultat d’un élan positif et d’une vision dynamique de la société, d’un vaste mouvement général qui traversait alors le monde occidental : l’introduction à une civilisation des loisirs pour l’humain nouveau, dont les grands ensembles devaient être le foyer idéal et égalitaire et dont l’animateur culturel, favorisant l’émancipation, le bien-être de tous les habitants et habitantes et la bienvenue des résidents et résidentes, incarnait la dimension militante.

Pourtant, à partir des années 1970, les grands ensembles, signe même de la puissance de l’État : des millions d’objets construits, tous de plusieurs millions de tonnes, devinrent la marque la plus visible de son impuissance. L’industrie qui s’effondrait entraînait tout de l’utopie moderniste dans sa chute et l’État ne pouvait rien. Confronté au chômage de masse, le temps inemployé cessa d’avoir la valeur précieuse d’une liberté. Pour beaucoup des habitant·e·s des grands ensembles, ouvriers et ouvrières peu qualifié·e·s, touché·e·s en premier par la crise du travail, le temps libre allait, partant de là, s’agrandir toujours, jusqu’à prendre souvent la dimension de la vie entière et même se trouver transmis d’une génération à l’autre et comme seul héritage. Le temps sans emploi devint le problème central des quartiers, où l’organisation des loisirs se trouva loin renvoyée derrière celle de la survie et de la débrouille quotidienne. Face à de telles nécessités, l’offre de l’animation culturelle encore naissante devenait déjà dérisoire. Elle perdit au fil des années l’essentiel de ses abonnés, tandis qu’une autre entité culturelle, la religion se développait en se montrant capable de maintenir les codes d’une vie ensemble et une paix sociale relative dans le chaos de la ghettoïsation et de la relégation qui se répandait dans des zones d’habitation maintenant fermées sur elles-mêmes, leurs espaces publics livrés au développement des économies parallèles, des trafics illégaux et des incivilités de toutes sortes. Dès le début d’une crise interminable, ceux des habitants qui pouvaient fuir le galop montant de la pauvreté se sauvèrent en nombre dans le périurbain, laissant entre eux les plus fragiles : ceux sans réseau en dehors du quartier et étrangers, dont on organisa alors le regroupement familial dans les tours et les barres d’habitation largement désertées, mais qu’il fallait bien rentabiliser encore. En peu de temps, le grand ensemble de l’habitat égalitaire et indifférencié se trouvait refermé comme une tombe sur une population à majorité étrangère, discriminée, désœuvrée, souvent honnie et presque toujours crainte.

 

 

La ségrégation dans les cités d’une population désormais majoritairement étrangère et très pauvre est allée d’elle-même, puisque le dispositif des grands ensembles était originellement conçu de sorte à séparer leurs habitats d’avec les centres-villes. Fermées sur elles-mêmes en série de cités juxtaposées et indépendantes les unes des autres, les tours et les barres avaient été érigées sur d’anciens domaines agricoles, à bonne distance des centres historiques et avec pour claire intention de libérer lesdits centres de l’entassement produit par l’afflux constant de nouveaux travailleurs. Il s’agissait certes d’améliorer l’habitat populaire en l’allant élargir là où la place ne manquait pas, mais il ne s’agissait pas moins que la population ouvrière quittant les centres-villes n’ait pas à y revenir et ne le puisse pas facilement, ceci afin qu’elle rompe avec les habitudes, jugées inciviles, improductives ou dangereuses, qu’elle y avait contractées du temps de son confinement dans un habitat si misérable, exigu et insalubre, que bien peu de structures familiales n’y avaient résisté – une situation que l’on résumait dans une description caricaturale : « les hommes au bistrot, les femmes sur le trottoir et les enfants dans les rues ». Une fois installée dans des appartements relativement spacieux, correctement équipés, inondés de lumière naturelle et entourés d’écoles et de collèges émergeant à peine d’immenses espaces végétaux, il fallait surtout que cette population y restât. Aussi, si des systèmes de transport relièrent efficacement ces espaces d’habitat à ceux de l’industrie tant que l’industrie exista, les liaisons avec les centres urbains restaient délibérément compliquées et médiocres. Une fois le travail industriel disparu ou délocalisé, une fois terminée l’époque où une carrière professionnelle toute entière pouvait se dérouler au sein d’une seule entreprise ou d’un seul emploi vers lesquels les déplacements avaient été planifiés, les grands ensembles se sont transformés en un piège pour des habitants pauvres, sans alternatives à proximité et sans moyens de circuler ni d’agrandir le rayon de leur présence à la ville jusqu’à une dimension compatible avec les exigences contemporaines.

À la connectivité et à la mobilité qui caractérisent notre époque, rien n’est d’abord moins disposé que l’habitation des grands ensembles. Pour défaire ce piège, il fallait, a-t-on pensé, à la fois amener les habitants des grands ensembles vers la ville et amener de la ville vers et dans les grands ensembles. C’est ce dont se sont chargés, un peu partout en France, deux chantiers simultanés : celui des tramway (ou de nouvelles lignes de bus) et celui des rénovations et transformations initiées par l’Agence nationale de rénovation urbaine(démolition de tours en obstacles, perçage de barres, création de commerces, de trottoirs, de places publiques…). Si les premières grandes rénovations des quartiers à la fin des années 80, parce qu’elles n’intégraient pas cette nécessité de mettre les habitants en mouvement dans la ville et de faire venir de la ville dans les grands ensembles, se sont soldées par un échec, les transformations spectaculaires opérées au cours des années 2000, fondées sur le désenclavement, la mobilité, le flux et les interactions, pourraient connaître un bien meilleur résultat. Notons que c’est au Havre, à Caucriauville, qu’elles commencèrent.

 

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Reste à savoir comment dans un temps long les nouveaux équipements mis en place et ceux rénovés dans ce cadre ambitieux de l’ANRU seront habités, circulés, vécus et investis ou réinvestis par les habitants, mais aussi et enfin par les visiteurs et les passants. Ceci revient à se demander quelle pratique culturelle, elle aussi renouvelée, sera capable d’accompagner au mieux l’évolution des espaces et des trajets ? Quelles structures culturelles communes établir entre tous les habitants des villes contemporaines devenant des métropoles, de vastes zones urbaines aux limites floues, incluant et débordant les tours et les barres modernistes ? Par quelle approche et sur quelle base ? Quoi mettre en partage, quoi confronter et surtout par où commencer ? Car dans l’entre-temps de la disparition d’un monde, celui industriel, à l’installation de l’hypothèse d’un autre, celui des flux et de l’innervation, s’est déroulé le moment long d’une scission aggravée, d’une séparation complète des cités et des villes, avec des incidences fortes en matière de culture pour les uns et les autres. Deux mondes distincts sont apparus et ont eu le temps de creuser leurs différences. D’un côté, le monde de la ville, c’est-à-dire des centres historiques, qui a mobilisé l’essentiel des moyens collectifs pour se bâtir une image culturelle bien à soi, sans les cités, sans les quartiers de grands ensembles, et pour la rapporter aux autres villes d’Europe et du monde – cette image en effet n’est pas celle de la ville entière, mais celle du seul segment de population qui « tient » les centres, leurs équipements, leurs espaces symboliques et de la représentation : les classes du tertiaire, la société des services, des affaires, du commerce et de l’information. De l’autre côté, le monde des quartiers qui, faute de liens facilités et forts avec les centres, a développé un imaginaire spécifique, d’abord à travers sa jeunesse et avec un très grand talent (le monde du rap est sans aucun doute l’une des dynamiques de création parmi les plus fortes d’aujourd’hui en France comme ailleurs), directement relié à d’autres quartiers à travers le monde, augmentant encore de cette manière l’impression de ghettos jusqu’à en faire l’infrastructure d’une identité achevée, une identité si complète et si riche qu’on la voit désormais pousser, forcer au maintien de la séparation et cela au nom de sa préservation. Elle entend maintenir son patrimoine, elle opère finalement en exception culturelle au pays de l’exception culturelle,  elle veut se protéger, en s’isolant toujours davantage. Quant aux moins jeunes, beaucoup ont orienté leurs besoins propres de flux, de connexions et d’imaginaires vers ceux qui voulaient bien y répondre immédiatement, c’est-à-dire les pays d’origine des résidents, leurs cultures historiques, leurs religions. Remettre tout cela ensemble sur une base nouvelle pour tout le monde, peut-être d’un seul élan en finir avec la Culture majuscule et le socio-culturel du bas, est évidemment une gageure, un chantier tout aussi grand, le chantier de l’après-rénovation, qu’il faudrait réussir.

 

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À ce chantier, le collectif d’artistes LFKs depuis des années porte régulièrement contribution. Une contribution simple et à sa mesure, c’est-à-dire infiniment faible, mais longue, déterminée et patiente. Au Havre, nous venons de passer deux ans, au plus proche possible de la population qui nous a accueillis, notamment à Caucriauville. Caucriauville est le plus grand quartier du Havre (plus ou moins 16.000 habitants), il a été créé ex nihilo dans les années 60 sur le territoire agricole d’une autre commune et finalement rattaché au Havre. Il se compose essentiellement de grands ensembles, largement transformé et réhabilité dans le cadre de l’ANRU à partir de 2005 et plus récemment encore par l’installation d’une ligne de tramway, remplaçant d’anciennes lignes de bus et assurant vers la ville basse et l’océan des liaisons plus rapides. Le quartier connaît un taux de chômage élevé (+ de 30%), affiche un niveau de revenus extrêmement faible et stagnant (+/- 8 500 euros), ainsi que des indicateurs scolaires très défavorables. 45% de la population vit essentiellement des minima sociaux. Nous y habitons depuis deux ans, au 15ème étage de la Tour réservoir. Utilisant les locaux désaffectés d’une ancienne laverie collective à l’entresol de la Tour, nous avons formé le projet d’un théâtre électronique permanent et génératif, conçu en collaboration avec des habitantes et des habitants de la  tour et du quartier et, pour ne rebuter personne, nous l’avons nommé Web-Série ; un label qui, à ce moment-là, ne correspondait à presque rien et il nous a paru loisible de l’investir, de s’en servir, pour ce qu’il offrait encore de liberté de création, justement en manquant de critères et « d’experts ». Tour-Réservoir est un support à l’expression et la représentation pour des habitants. Surtout des habitantes.

Car, contrairement à l’image des quartiers partout rapportée, les femmes semblent bien en être le centre et l’espoir. La féminisation des quartiers de grands ensembles pourrait bien être porteuse d’une solution de plus en plus heureuse. Les quartiers de grands ensembles, voulus par des hommes, construits par des hommes, pour tenir des familles patriarcales dans la logique patronale, en échouant, se sont heureusement féminisés. Aujourd’hui, le seul indicateur positif d’une reprise de l’activité professionnelle dans les quartiers, par exemple, concerne le travail des femmes : 70% des femmes de Caucriauville sont en activité, pendant que le taux général de chômage y est de 30%. Les filles sont nombreuses à réussir leurs études et à les mener loin et longtemps, tandis que les garçons sont nombreux surtout à se trouver enfermés par groupes, dans une culture de l’échec scolaire. Une majorité de jeunes filles aspirent au maintien d’une qualité de vie et d’échanges dans les espaces publics, quand nombre des garçons s’y relient d’abord de façon violente. Les femmes composent entre elles les associations de quartier les plus dynamiques. Les familles monoparentales, en augmentation constante, sont pour l’essentiel le fait de femmes élevant seules leurs enfants. Vécue comme une libération de la femme dans les années 70 (surtout par la gauche), pour être ensuite regardée comme un drame moral (surtout par la droite et la gauche de droite), elles sont surreprésentées dans la grande pauvreté. Mais la famille monoparentale pourrait bien être en effet un modèle de structure familiale plus heureux qu’il n’y paraît, une alternative véritable à la famille patriarcale, en tous cas, qu’il faudrait observer maintenant avec moins d’a priori qu’il ne l’a été dans les trente dernières années.

Bref, c’est de ce mouvement difficile mais rapide et positif qui anime l’une des bases de notre société qu’ensemble nous avons tenté de faire à la fois théâtre, cinéma, série et défi technologique. Nous allons maintenant vous présenter son fonctionnement. Merci.

 

 

Voir le site tour-reservoir.com

 

 

 

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