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JUSTICE RÉSOLUTIVE DE PROBLÈME [JRP] - l'Îlot

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LA JUSTICE RÉSOLUTIVE

LE CONCEPT NOUVEAU DE JUSTICE RÉSOLUTIVE DE PROBLÈMES (JRP)
 

La justice résolutive existe en France depuis 2015 et montre une efficacité dans les parcours de sortie de délinquance.

Elle est née aux Etats-Unis à la fin des années 1980. Des magistrats, fatigués de leur impuissance face à l’épidémie de crack et à la récidive d’infractions par les mêmes personnes, ont décidé de se réunir avec l’ensemble des acteurs concernés par ce problème : police, services de probation, centres d’action sociale, soignants, éducation nationale, etc.

De façon pragmatique, ils ont inventé une nouvelle chaîne opératoire entre eux. Celle-ci s’étant avérée efficiente, elle a été multipliée puis étendue à d’autres types de problématiques : violences conjugales, retour des vétérans de guerre, délinquance juvénile, etc.

Cette approche multidisciplinaire et globale vise à restaurer le bien vivre ensemble grâce à la diminution de la violence et de la délinquance, et à baisser le taux de récidive et le nombre de personnes en prison. Face au succès de la démarche, les juridictions résolutives de problèmes se sont développées aux Etats-Unis, comptant aujourd’hui plus de 4000 « drugs court », et essaimant partout dans le monde, notamment en France depuis 2015 avec désormais dans 27 juridictions.

 

JUSTICE RÉSOLUTIVE

En France, la MILDECA (mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) et l’ENM (Ecole Nationale de la Magistrature) ont lancé en 2015 les premières expérimentations de justice résolutive qui se rapprochent des expériences anglo-saxonnes tout en s’adaptant au contexte national. L’objectif de la justice résolutive de problème est de diminuer la récidive et le passage en prison bien souvent désocialisant.

Pour les professionnels et notamment les juges, il s’agit de sortir de la figure classique de l’autorité pour amener la personne à parler de ses problématiques. Le juge n’est plus uniquement dans la sanction mais dans l’accompagnement au changement, notamment à travers une autre façon de s’adresser à la personne placée sous main de justice. Il utilise la pratique de l’entretien motivationnel qui est une méthode de communication utilisée pour augmenter la motivation intrinsèque au changement.

Une meilleure coordination entre institutions permet une prise en charge plus efficace de la personne placée sous main de justice. Les échanges sont fluidifiés grâce à une acculturation des différents acteurs. L’articulation étroite entre le soin, la justice, l’accès à l’emploi et au logement entraîne un respect réciproque entre acteurs de la réinsertion, bénéficiant au final au justiciable.

La justice résolutive de problèmes est considérée par ses acteurs comme l’avenir du droit pénal. De nombreux bénéfices découlent de cette approche humaniste : elle évite la récidive, prend en charge efficacement l’addiction, fait évoluer les pratiques professionnelles vers une meilleure coordination entre acteurs. La justice résolutive de problèmes créé une véritable communauté de soutien pour sortir la personne de la délinquance.

 

 

LES 10 PRINCIPES CLÉS DE LA JUSTICE RÉSOLUTIVE

  1. La participation du juge est l’un des éléments clefs de la réussite des juridictions résolutives de problèmes. Le premier élément constitutif de ces juridictions est le suivi régulier de la personne placée sous main de justice par un juge. Il n’est pas seulement un juge de l’incident ou de la sanction, mais avant tout un juge tourné vers la prise en charge globale du condamné (de ses problématiques réelles) dans une posture respectueuse et motivationnelle. Le juge donne à voir de manière ostensible l’humanité, le respect, l’empathie, mais en même temps également l’autorité et la responsabilisation des personnes condamnées.

  2. Audiences équitables et publiques : l’intervention du magistrat dans le suivi a pour intérêt principal le respect des principes du procès équitable et du contradictoire. En outre, les audiences publiques ont un impact fort sur les condamnés qui peuvent se voir félicités devant leurs proches et au sein de leur communauté. L’impact porte également sur les autres condamnés qui peuvent mesurer les progrès accomplis par les autres ou les conséquences qu’ils peuvent encourir en cas de non-respect du cadre. Enfin la société civile peut mesurer l’efficacité du dispositif.

  3. La spécialisation des acteurs : afin de mieux prendre en charge les problèmes complexes à l’origine du passage à l’acte, les juridictions doivent être spécialisées, ce qui signifie que les acteurs doivent avoir été spécialement formés au type de délinquance qu’ils doivent traiter. La spécialisation porte moins sur la question juridique que sur les problématiques psycho-sociales en cause.

  4. Approche « résolution des problèmes » : ce principe suggère que le justiciable doit être prise en charge de manière holistique, dans toutes ses dimensions, mais aussi avec toutes ses problématiques. Le suivi s’opère sur l’ensemble des facteurs de récidive identifiés (logement, travail, conflits familiaux, addictions…). L’esprit des juridictions résolutives de problèmes est d’être pragmatique, restauratif et tourné vers la résolution des problèmes réels rencontrés au quotidien par le justiciable.

  5. Responsabilisation : ce principe renvoie à la nécessité de mettre le condamné devant ses responsabilités, non pas en lui faisant la leçon ou en aspirant à ce qu’il reconnaisse les faits, mais, de manière plus concrète et parlante pour lui, en s’assurant que chaque acte ait une conséquence. Il renvoie au modèle théorique de l’apprentissage social (Akers et Jensen, 2003), en vertu duquel les actes des personnes dont le comportement doit changer, sont aussi systématiquement que possible suivis de réactions : félicitations et encouragements en cas d’acte ou attitude positive et, au contraire, désapprobation voire sanction en cas d’acte ou attitude négative.

  6. Collaboration et travail partenarial entre institutions : une valeur ajoutée tout aussi essentielle des juridictions résolutives de problèmes est la collaboration interinstitutionnelle totalement intégrée. L’échange d’informations y est constant, les acteurs œuvrent dans le même objectif et se coordonnent entre eux. L’intervention judiciaire en collaboration avec les services de probation est bien plus efficace qu’une probation classique « mandatée » de façon « distante » par le juge.

  7. Justice insérée dans la communauté locale : l’idée n’est pas seulement de traiter d’un problème pénal, mais d’améliorer le bien être et le vivre ensemble de la communauté et de régler ses problèmes. A cette fin, la communauté est amenée à y participer à travers les audiences publiques (où se déroulent notamment les « rituels de désistance »), l’implication des institutions de la société civile et l’ouverture des juridictions à des activités servant à tous (conférence, cours du soir…)

  8. Guichet unique : dans le modèle des juridictions résolutives de problèmes, l’ensemble des services est disponible au sein du tribunal ou dans un bâtiment unique commun. Ceci réduit l’attrition pour des personnes qui éprouvent des difficultés à se déplacer et à se repérer dans la ville. Concrètement, les différents professionnels chargés d’intervenir auprès du condamné travaillent sur un même site. A Glasgow, par exemple, un service dédié composé d’addictologues, psychologues, psychiatres, agents de probation, assistants sociaux se retrouvent dans un même immeuble, à proximité immédiate de la « drug court ».

  9. Tests et contrôle réguliers : la philosophie propre des juridictions résolutives de problèmes est que la bienveillance et le soutien n’excluent pas le contrôle. En matière de délinquance liée à des conduites addictives, des tests de drogue réguliers ont été identifiés comme un facteur important de prise en charge, car il est essentiel de pouvoir connaître le niveau de consommation du justiciable au fur et à mesure pour pouvoir y répondre de façon adéquate (ce qui ne signifie pas sanctionner, mais encourager ou au contraire établir des conséquences appropriées – théorie du conditionnement opérant).

  10. Rituels de désistance : la participation même de magistrats, au cours d’une audience, plus ou moins solennelle renforce la ritualisation du processus de désistance et ses diverses étapes, et, de ce fait, leur enracinement. Des rituels de désistance spécifiques sont par ailleurs mis en œuvre pour acter publiquement l’achèvement des dispositifs de prise en charge et valoriser les efforts accomplis (remise d’une attestation encadrée à Glasgow, applaudissements en audience publique aux Etats-Unis, rituel de haka en Nouvelle-Zélande). Il s’agit de rituels ré-intégratifs dans la société, très appréciés des justiciables et de leurs proches car très valorisants : bien souvent, c’est la première fois de leur vie qu’ils reçoivent des félicitations.

 

Pour aller plus loin :

le rapport publié par le ministère de la Justice en avril 2024 : ICI

 

Sources : l'Îlot, le ministère de la Justice