Viso - du latin visus, participe passé de vidēre : voir
PRINCIPE
Travail sur le visage et la construction de l’expression.
MÉTHODE
Des rendez-vous pour deux étudiants à la fois et une demi-heure d’exercice en visioconférence et en direct.
ENJEUX
Pour poursuivre le parcours d’entraînement au jeu d’acteur malgré un état de lockdown généralisé et pour ne pas relâcher le travail effectué dans les mois précédents, il s’agissait de déterminer quel pourrait être le format le plus praticable et efficace et sur quel thème se diriger.
Cette nouvelle façon de travailler, ce nouveau parcours, je le vis comme un développement, comme la poursuite du travail effectué jusqu’à il y a quelques semaines en présence. Face au seul moyen qui nous permet de nous parler et de nous voir en même temps, j’ai pensé que l’on pouvait le pousser plus loin, en tant que moyen d’entraînement à l’expression faciale.
Puisque le travail sur les expressions du visage nous demande d’explorer les formes avec lesquelles “s’affichent” les émotions, et donc les états de reconnaissance émotionnelle, j’ai estimé nécessaire – pour assurer à chacun un dévouement particulier – que les rencontres soient caractérisées par un haut degré d’intensité, d’intimité et par un temps restreint, pour protéger la concentration.
La rencontre individuelle peut céder à des dérives consultatives, donc pour maintenir la plus grande concentration et la nécessaire proximité, mais aussi la nette qualité performative, les rencontres durent une demi-heure et se déroulent avec deux étudiants à la fois.
La condition préalable à cette formation spécifique tient aux multiples fonctionnalités du visage.
Sur le visage, on peut voir l’état émotionnel d’une personne, on pense voir son état réel, une vérité. Le visage est comme une ouverture sur le monde intérieur.
Sur le visage peuvent avoir lieu des récits, de ce qui a été vécu, ou des intentions en cours. Mais chaque personne, au besoin, peut transformer son propre visage. Chacun sait comment réorganiser son visage pour en modifier les signaux.
On peut le faire pour se protéger, on peut le faire pour mentir, on peut le faire pour stimuler l’évolution de son propre état intérieur. On peut le faire pour attirer.
La prise de conscience de cette capacité d’auto-reconnaissance et d’auto-transformation est l’un des fondements du travail de l’acteur.
À la base de l’entraînement que je propose habituellement est la recherche et l’exercice des potentialités linguistiques et poétiques qui apparaissent dans la relation subtile entre le squelette, qui propose essentiellement des directions, et les muscles, qui soutiennent ses transformations formelles, harmonieusement ou en conflit.
Dans le travail sur le visage, nous nous consacrons aussi à préciser un langage qui tienne compte de la façon dont se génèrent les transformations, les mouvements et la plausibilité narrative.
Au début, j’ai proposé de travailler sur l’expression qui, pour plusieurs raisons, est la plus simple à incarner, la plus simple à composer : la tristesse. Encore ici, je la prends comme exemple de procédure.
C’est simple, parce que c’est un sentiment délicat mais précis, parce qu’il est très représenté, parce que pour en composer la forme, il suffit d’abandonner les muscles du visage à la gravité, donc il n’y a pas d’effort érectif. Et aussi symboliquement, cette descente crée un lien très efficace entre la forme et le contenu.
De nombreux systèmes de composition permettent de représenter un sentiment ; on peut transformer l’expression du visage en sachant quels muscles bouger et comment. Ou bien on peut créer les conditions intérieures pour lesquelles se produit l’émergence du sentiment et donc “laisser le visage se laisser” transformer.
Dans tous les cas, le sentiment est vécu comme réel, son auréole s’installe, même si elle a été forgée ad hoc, et le sentiment est déclenché à la fois chez qui l’incarne et chez qui le regarde, par l’activation des neurones miroirs.
Les limites entre la forme et le contenu s’assouplissent, on fait l’expérience de la façon d’exploiter la perméabilité de cette frontière, pour s'exprimer.
Nous traversons des exercices de gymnastique pour les muscles du visage, mais aussi des chemins de visualisation très utiles pour la construction de séquences.
Le but est d’entraîner l’interaction avec sa propre image prise par la caméra, la transfiguration, le dynamisme expressif, la fluidité et la liberté dans l’utilisation du langage du visage, en harmonie avec le parcours déjà entrepris, qui place l’étude du langage non-verbal et préverbal à la base du travail de l’acteur.