Cheikha Rimitti (1923-2006), née Saadia Bedief, est non seulement une pionnière de la musique raï, mais aussi une figure audacieuse du féminisme en Algérie et en Afrique du Nord. Dans une société conservatrice où les sujets tels que la sexualité, l’amour et le désir féminin étaient tabous, Rimitti a brisé les codes en abordant ces thèmes sans retenue. Ses chansons traitent ouvertement de la condition féminine, des réalités de l’intimité et des défis de la vie des femmes, en défiant les normes et en donnant une voix puissante aux expériences féminines souvent passées sous silence.

En 1952, son premier succès, "Charrak Gatta", parle sans détour de la virginité féminine, un sujet rarement abordé, surtout de manière aussi directe. Cette franchise lui a valu critiques et admiration, mais elle n’a jamais dévié de son style audacieux, affirmant ainsi un espace pour les femmes dans le monde du raï, un genre largement dominé par des hommes. Sa musique offrait aux femmes une forme de libération et leur permettait d’exprimer des émotions et des désirs trop souvent réprimés.

Installée en France dans les années 1970, elle continue de chanter et d’enregistrer, tout en restant fidèle à son engagement pour la vérité des expériences féminines. Par son œuvre, Cheikha Rimitti s’est affirmée comme une icône féministe et culturelle, inspirant de nombreuses générations de femmes à s'exprimer librement, malgré les obstacles sociaux. Sa carrière, marquée par des succès comme "Sidi Mansour" (1994), a ouvert des voies pour d’autres artistes et a profondément marqué la musique et la culture algériennes.