travaux de création
I.A. NOUVEAU CHAMAN
vers des voyages artistiques initiatiques
Lundi 03 février 2025 - GRAND ATEKIER LFKs

Initiatic Art

L’art comme expérience sensorielle. l’art n’est plus un objet à comprendre, mais une expérience à vivre.
 

Free party, Brussels

 

Des rituels chamaniques à l'IA, en passant par le psychédélisme, le jeu vidéo ou le shifting, un même désir persiste : franchir les frontières de soi et du réel.

Avec l’IA, cette quête peut atteindre une nouvelle dimension. Les œuvres ne sont plus simplement des miroirs de la condition humaine : elles deviennent des portes vers l’inconnu, où les spectateurs se dissolvent dans des univers inédits, aux confins de l’imagination humaine et de l'intelligence machinique.

En renonçant à raconter, l’art pourrait enfin nous faire expérimenter et explorer.

Vos créations cette semaine devront s’inscrire dans cette recherche d’une expérience au-delà du récit, de la narration et du réel.

Les origines, le chamanisme

Dans de nombreuses sociétés traditionnelles, le chamanisme incarne une quête de transformation : un passage au-delà du monde tangible, guidé par des rituels, des visions et des symboles.

Le voyage chamanique, est l'une des premières tentatives humaines de franchir les frontières de la réalité tangible. Guidé par des tambours, des chants et des rituels, le chaman entre dans un état modifié de conscience, transcende les limites de son corps et explore des dimensions invisibles pour apporter des révélations ou des soins.

S’appuyant sur un langage symbolique, non-narratif, fait d’expériences fragmentées qui bouleversent les repères de la conscience, le chaman agit comme un médiateur entre les dimensions visibles et invisibles, conduisant l’individu vers une révélation intime ou collective.

Psychédélisme

Ce modèle de transformation personnelle et collective s'est trouvé une résonance inattendue dans les expériences psychédéliques des années 1960. À cette époque, sous l’influence de figures comme Timothy Leary ou Aldous Huxley, le LSD et autres substances hallucinogènes sont devenus des outils pour fuir les normes d’un monde conventionnel, mais aussi pour réinventer l’art.

Ces substances promettaient une vision élargie, où les couleurs, les formes et les récits cessaient d’être fixes, pour se dissoudre dans des paysages mentaux fluides et des imaginaires partagés.

 

Sven Marquardt, videur du Berghain à Berlin

 

Contre-culture psychotrope, première influence des créateurs de jeux vidéo

Le jeu vidéo a marqué une étape cruciale dans cette quête d’expériences transformantes, en transposant ces voyages symboliques dans un médium interactif :

Univers immersifs : les jeux vidéo, comme Journey ou The Legend of Zelda, s’inspirent directement des structures mythologiques et chamaniques. Le joueur devient l’initié traversant des épreuves dans des mondes imaginaires.

Expériences sensorielles : des jeux comme Rez ou Tetris Effect recréent des états proches de la méditation ou du psychédélisme grâce à la synchronisation de sons, images et interactions.

Création personnelle : avec des jeux comme Minecraft ou Dreams, les joueurs deviennent eux-mêmes les architectes de leurs voyages imaginaires, transformant le médium en outil de manifestation.

Le jeu vidéo fusionne ainsi les traditions initiatiques du chamanisme avec une expérience participative et sensorielle, posant les bases des voyages numériques contemporains.

L’ ultra-individualisme

Durant le premier quart du XXI° siècle et notamment ses confinements, avec l’émergence du shifting, de la manifestation ou des vidéos ASMR, le voyage intérieur prend une tournure radicalement individualiste . Sa pratique ne s’inscrit plus dans un collectif ou un rituel partagé, mais dans une quête introspective où chacun devient l’architecte de ses propres univers imaginaires.

  • Le shifting, par exemple, promet de déplacer sa conscience vers une réalité parallèle désirée, une projection idéalisée où l’imagination crée un refuge.
  • La manifestation va plus loin : en alignant pensées et désirs, elle prétend transformer les rêves en réalités tangibles.
  • Les vidéos ASMR, quant à elles, plongent l’utilisateur dans une bulle sensorielle où les sons et les stimuli subtils dissolvent temporairement l’anxiété et le poids du réel.

Tout comme les voyages chamaniques ou ceux psychédéliques, ces pratiques ont offert un moyen d’échapper aux contraintes, mais elles se sont différenciées par une dissolution complète du collectif : l’individu ne cherchait plus la communion avec le monde extérieur, mais la fusion avec un univers intérieur.

IA
IA-Driven Dreamscaping : des voyages au-delà de l’humain

À l’ère numérique, une nouvelle force émerge : l’intelligence artificielle, qui, à sa manière, pourrait jouer un rôle similaire. En devenant une extension de notre esprit, l’IA ouvre des portes vers des voyages artistiques initiatiques qui réinventent l’imaginaire.

Loin de simplement reproduire l’art humain, l’IA peut de devenir un chaman technologique, capable de guider des voyages à la fois individuels et universels. Elle peut générer des mondes entièrement nouveaux, où les lois de la physique, les esthétiques humaines et même la logique s’effacent.

Ces univers, souvent éphémères et évolutifs, permettent de vivre des expériences sensorielles et émotionnelles uniques, combinant l'inconnu, les mythes collectifs de toutes les civilisations, et des perspectives inspirées des systèmes animaux, végétaux ou même géologiques.

L’IA révolutionne aussi le jeu vidéo en rendant ses univers infinis et adaptatifs. Des jeux comme No Man’s Sky ou des simulations interactives futures promettent des expériences où chaque joueur devient explorateur d’un cosmos unique.

Ces évolutions annoncent une révolution dans l’art, où les œuvres ne sont plus des récits, des objets fixes ou des messages, mais des voyages immersifs et émotionnels :

  • au-delà des récits : l’art ne raconte plus une histoire, mais offre un espace à explorer, où le spectateur devient acteur.
  • des expériences inédites : l’IA permet d’aller là où l’esprit humain seul ne peut accéder : des paysages mentaux combinant des imaginaires issus de toutes les époques et cultures du monde, mais aussi des formes de pensée et de perception qui dépassent l’humain.
  • fusion des dimensions : ces œuvres mêlent sons, couleurs, textures et idées pour recréer un univers à la fois sensoriel et conceptuel, à la limite du perceptible et du compréhensible.
     


 

DÉVELOPPEMENT DU SUJET

1. Le chamanisme traditionnel : un modèle de transformation

Le voyage chamanique est un processus de passage :

entrer dans un autre monde : grâce à des états modifiés de conscience (chant, tambour, méditation), le chaman ou l’initié traverse une frontière entre le monde réel et un univers spirituel.

expérience personnelle et universelle : ces voyages visent à soigner, à apprendre ou à révéler une vérité cachée.

langage symbolique : les visions chamaniques ne sont pas narratives ; elles s'expriment à travers des symboles, des sensations et des expériences fragmentées, échappant à toute linéarité.

ce modèle peut inspirer l’art numérique alimenté par l’IA : non pas pour imiter, mais pour redéployer l’idée de voyage intérieur, où l’artiste et la machine deviennent des co-chamans d’un univers inédit.

2. L’IA comme outil de voyage initiatique

L’IA dépasse la simple reproduction d’œuvres humaines pour offrir un accès à des territoires imaginaires. Elle devient un guide pour des voyages non-linéaires, des expériences qui ne racontent plus une histoire, mais ouvrent des portes vers des dimensions nouvelles.

réalités fluides et ouvertes : l’IA peut générer des mondes dynamiques qui évoluent en fonction des émotions, des choix ou des pensées du spectateur. Ces univers sont des labyrinthes initiatiques, où l’exploration est la finalité.

voyages symboliques : tout comme le chaman utilise des symboles universels (animaux-totems, éléments naturels), l’IA et le jeu vidéo peuvent puiser dans les mythologies collectives pour créer des expériences immersives.

Free party, Brussels

3. Une esthétique sans narration : l’art du "non-récit"

Dans l’art traditionnel, le récit structure l’expérience. Avec l’IA et le jeu vidéo, cette nécessité disparaît, laissant place à une esthétique de l’expérience pure :

lignes floues entre réalité et fiction : les œuvres générées par IA peuvent être dépourvues de début, de fin ou même d’objectif, s’adressant directement aux sens et à l’intuition.

expériences immersives et sensorielles : comme dans un rituel chamanique, l’utilisateur est plongé dans un monde où chaque son, image ou texture est conçu pour bouleverser sa perception.

4. L’IA et le dépassement des limites humaines

Le chamanisme dépasse les limites du quotidien pour toucher à l’invisible. De manière similaire, l’IA permet de transcender les limites physiques et créatives :

création d’espaces impossibles : des mondes où la gravité n’existe pas, où les couleurs dépassent le spectre visible, où le temps s’effondre.

sens inédits : grâce à des technologies comme la réalité virtuelle ou la stimulation sensorielle, l’IA peut simuler des expériences qu’aucun humain n’a jamais vécues.

dialogues avec le néant :  tout comme le chaman explore le vide pour en extraire du sens, l’IA peut générer des formes qui interrogent l’inconnu, poussant notre imagination au-delà de ce qui est compréhensible.

5. Le spectateur comme initié

Dans un rituel chamanique, l’initié est transformé par l’expérience. De même, l’utilisateur devient acteur dans les œuvres générées par IA :

interaction : l’IA adapte l’œuvre en fonction de l’état émotionnel ou des choix du spectateur, créant une expérience unique.

transformation : comme dans un rite de passage, le spectateur ressort de l’expérience avec une nouvelle perception de lui-même ou du monde.

6. Réinventer l’art comme espace initiatique

L’art alimenté par l’IA pourrait se transformer en un rituel moderne, un espace où :

le spectateur se perd et se trouve : chaque œuvre devient un voyage initiatique, où l’exploration remplace la consommation passive.

les récits cèdent la place aux sensations : l’art n’est plus un objet à comprendre, mais une expérience à vivre.

Conclusion. L’IA, chaman des temps modernes

Dans cette perspective, l’IA n’est pas une imitatrice, mais une passeuse. Elle nous conduit dans des mondes où l’art ne raconte plus mais fait ressentir, où la narration s’efface pour laisser place au pur voyage. Comme le chaman, elle nous aide à franchir des seuils, à explorer des dimensions invisibles, et à découvrir dans ces univers nouveaux un miroir pour notre propre transformation. Avec l’IA, l’art pourrait devenir une véritable initiation à l’imaginaire infini.