travaux de création
JUSTE APRÈS LA RÉVOLUTION,
LA CRÉATION
jeudi 19 septembre 2024 à l’atelier LFKs, la Friche La Belle de Mai

Une uchronie ultra contemporaine

En réponse aux manœuvres de la présidence de la République française visant à contourner les résultats électoraux de l’été 2024, face au choix d’un premier ministre issu du courant politique le moins représenté à l’Assemblée – un homme si ancien en politique que sa nomination donne à tous ceux et celles qui avaient voté pour un changement de paradigme l’impression d’assister à la remontée d’une "carotte géologique" depuis les strates glacées d'un demi-siècle de capitalisme patriarcal –, l’appel à manifester le 7 septembre 2024 est suivi de manière massive et inédite dans un pays pourtant habitué à la protestation populaire.
Ce jour-là, des foules immenses envahissent le centre de toutes les villes, grandes, moyennes, petites, et trouvent même des relais dans les bourgs et villages. Les plus jeunes des manifestants se montrent particulièrement déterminés et inventifs. Il n’y a ni cortèges ni déambulations : on s’installe. L’atmosphère est euphorique, on s’exalte, on rit beaucoup. Pendant trois nuits et quatre jours, les manifestants refusent de se disperser. Partout, des zones d’inspiration révolutionnaire émergent, et les discussions progressent vers une refonte totale de la société. Le slogan qui se répand le plus est clair : "MAKE FRANCE GREAT NO MORE !". Les événements s'accélèrent alors.

Le matin du 10 septembre 2024, on apprend que le président, accompagné de son épouse, a quitté le pays pour trouver refuge en Floride, à Mar-a-Lago, la propriété de Donald Trump. Le premier ministre Barnier, fraîchement nommé et disparu dès le 9 — jour où les caristes d'Amazon ont pris d’assaut Matignon —, a été retrouvé errant et hébété dans le cimetière de Colombey-les-Deux-Églises. Il est désormais pris en charge au bar PMU Le Mémorial par une ZRMR [Zone Re-médicalisée Révolutionnaire] de la Haute-Marne, où il a déclaré vouloir finir ses jours.
Le gouvernement démissionnaire s'effondre. Les anciens ministres prennent la fuite, mais Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti sont interceptés et placés en stage d’expérience pratique d'une semaine à cinq dans 9 m², en compagnie des anciens préfets Alain Thirion, Didier Lallement et du directeur général de la police, Frédéric Veaux.
Le vieux monde s’écroule complètement. Des groupes anarchistes, notamment des black blocs auxquels des CRS ayant rejoint la foule en nombre ont cédé leurs exosquelettes, ouvrent les bâtiments administratifs aux sans-abri, aux migrants et aux amateurs de clubbing. À Paris, le ministère des Finances à Bercy, ainsi que le siège de la Caisse des Dépôts, sont réquisitionnés pour du logement social partagé avec vue. Les symboles de la culture libérale et inégalitaire tombent dès la soirée du 9 : le ministère de la Culture, rue de Valois, en premier, suivi de l’Opéra Garnier, de la Comédie-Française, du Palais de Tokyo, ainsi que des fondations Vuitton et Cartier, la Bourse du Commerce et Lafayette Anticipations, tous réduits en cendres. À Marseille, l’Opéra est par terre et la Friche la Belle de Mai, rendue à la population du quartier. À Lyon, l’Opéra, les Subsistances et le musée des Confluences subissent le même sort. À Bordeaux, le CAPC est pris d’assaut. À Nantes, il ne reste plus rien du Lieu Unique. L’art doit aller ailleurs et se repenser entièrement, quitter les lieux où il était assigné à résidence.

Nous sommes aujourd’hui le 12 septembre. La direction de votre école ayant été elle aussi mise en fuite, vous vous donnez une semaine pour, à toute vitesse et en petits groupes, réinventer intégralement les bases et les formes de la création artistique.

Votre objectif : imaginer ce que peut devenir l’art, propulsé aussi loin que possible de son siège par le souffle immense d’une révolution radicale. Votre principale détermination est de ne plus rien faire comme avant, en vous débarrassant même de vos propres habitudes et esthétiques acquises dans l'ancien monde.