Antonin Artaud, artiste essentiel à tous les champs de l'art, et Balthus, l'un des peintres les plus importants de tous les temps, sont deux artistes autodidactes du début du XXe siècle. Antonin Artaud, malade dès son enfance (à Marseille), n'a jamais pu se présenter au baccalauréat et Balthus, lui, n'a pas réussi à entrer à l'école des Beaux Arts de Berlin.
Ils se rencontrent pour la première fois par hasard, dans un café parisien. Deux choses les rapprochent aussitôt : leur grande érudition et une troublante ressemblance physique.
Au cours des années 1930, Artaud aura une influence déterminante sur la production artistique du jeune Balthus, dont la première exposition, en 1934, va scandaliser par sa violence, sa cruauté et l’inquiétant érotisme contenu sous le premier niveau d'apparence classique et sereine de ses toiles. Antonin Artaud se chargera d'introduire l'exposition par le texte que vous allez découvrir ci-dessous.
Étudiant.e.s de la Promotion Félix du campus Issa Samb de Sup de Sub, ce texte et les peintures auxquelles il se réfère, forment le thème de votre prochaine semaine de création multi-art : 26-30 juillet 2021.
Bon travail.
Retranscription
“Je ne sais pas pourquoi la peinture de Balthus sent ainsi la peste, la tempête, les épidémies. Mais elle ramène au jour quelque chose d’une époque électrique de l’histoire, un de ces points où le drame se noue… Quelque chose d’un de ces creux atmosphériques appelés le pot-au-noir et où le navire qui avance est comme bu. Et il n’y a rien. Les paysages sont inertes et calmes. Les personnages sont ceux d’un grand drame qui couve mais surpris dans les côtés les plus anecdotiques de leur vie. Ligeia, Morella, Eléonora, Bérénice, devant leur table de toilette, Lady Macbeth se curant les ongles avant son tout proche hoquet sanglant…
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire que ce peintre, Balthus, a quelque chose de plus que la peinture à dire, et que ce quelque chose, par-dessus sa peinture si terriblement stricte, rigide, volontaire, fidèle, exacte, scrupuleuse, méticuleuse et honnête, pue la tombe ; les catacombes, l’obituaire, l’antique ossuaire, le cercueil.
De combien de cadavres tombés des limbes avant d’être nés, de corps de vierges non utilisés, les nus de Balthus sont-ils faits ?
Rien d’obscène en eux —
mais un malaise particulier ; on ne peint pas avec un vérisme si poussé des nus surpris dans des attitudes aussi curieusement instantanées pour les abandonner, là, au fond d’une toile, devant laquelle combien de paires d’yeux encore défileront, avant… Avant quoi ?
J’aurais presque envie de dire si je ne craignais pas l’enflure, l’emphase,
avant l’heure du jugement.
Quoique peut-être encore que Balthus ne veuille pas aller aussi loin.
Et pourtant le grand problème, il le frôle. […/…]”
Antonin Artaud à propos du peintre Balthus,
extraits de La jeune Peinture française et la tradition - 1936
Balthus à Paris:
La première exposition, 1934
Portrait d'une jeune fille en costume d'amazone
1932
Portrait de Mme Pierre Loeb
1933
La rue
1933
La leçon de guitare
1934
la fenêtre
1933
La Toilette de Cathy
1933
Alice dans le miroir
1933
Balthus à Paris nous entraîne aux portes de la première exposition individuelle de l’artiste, en 1934, et revient sur l’amour a priori impossible du peintre pour Antoinette de Watteville, présenté comme la clef de lecture de son œuvre.
Ainsi, à la lumière de la correspondance entre Balthus et sa bien-aimée, s’éclairent les sept peintures de l’exposition : La Rue, Alice dans le miroir, La Toilette de Cathy, Portrait de Mme Pierre Loeb, Portrait d’une jeune fille en costume d’amazone, La Fenêtre et La Leçon de guitare.
Wiki
Antonin ArtaudAntonin Artaud, né le 4 septembre 1896 à Marseille et mort le 4 mars 1948 à Ivry-sur-Seine, est un théoricien du théâtre, acteur, écrivain, essayiste, dessinateur et poète français. La poésie, la mise en scène, la drogue, les pèlerinages, le dessin et la radio, chacune de ces activités a été un outil entre ses mains, un moyen pour atteindre un peu de vérité. Contrairement à ses contemporains, il a conscience de la fragilité de la pensée et se revendique timidement en quête d’un absolu dans ce domaine. Toute sa vie, il a lutté contre des douleurs physiques, diagnostiquées comme issues de syphilis héréditaire, avec des médicaments, des drogues. Cette omniprésence de la douleur influe sur ses relations comme sur sa création. Il subit aussi des séries d’électrochocs lors d’internements successifs, et il passe les dernières années de sa vie dans des hôpitaux psychiatriques, notamment celui de Rodez. Si ses déséquilibres mentaux ont rendu ses relations humaines difficiles, ils ont aussi contribué à alimenter sa création. Il y a d’un côté ses textes « fous de Rodez et de la fin de sa vie », de l’autre, selon Évelyne Grossmann, les textes fulgurants de ses débuts. Inventeur du concept de « théâtre de la cruauté » dans Le Théâtre et son double, Artaud a tenté de transformer radicalement la littérature et surtout le théâtre. S’il n’y est pas parvenu de son vivant, il a certainement influencé les générations de l’après Mai 68, en particulier le théâtre américain, et les situationnistes de la fin des années 1960 qui se réclamaient de son esprit révolutionnaire. Il a aussi influencé le théâtre anarchiste Living Theatre, qui se réclame de lui dans la pièce The Brig où il met en pratique les théories d’Artaud. |
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