VSFWNR #7 - Un autre monde
Dialogues recyclés : "The Red Line", T. Malick, 1998 - Musique recyclée : Taps in "From Here to Eternity", 1953 & François de Roubaix "Le Samouraï", 1967 – 05'30"
Chapelle et cimetière Sainte Marie à Buoux
DISTRIBUTION
Etienne Sivadier
Dolène DANIEL
Rayane TOURKI
Félix TRUZE
Kenji PAISLEY-HORTENSIA

 

Le VSFWNR #7 - Un autre monde a été tourné le 19 septembre 2019 en fin de journée, dans le cimetière de Buoux et sa chapelle Sainte-Marie, qui sont en haut du village, et que l’on trouve en remontant au dernier carrefour du Chemin de l’Oratoire, après le quartier nommé Loube et presque déjà en pleine nature.

L’enclos du cimetière et la chapelle forment ensemble le Prieuré de la Vieille-Église, l’un des sites catholiques les plus anciens du Luberon, bâti au VIIe siècle, quand s’est répandue la manière chrétienne d’enterrer les morts autour des églises où les restes de saints protecteurs étaient conservés. Pour nous, le VIIe siècle, c’est très loin. Pensez : en Europe, c’est le début-de-la-fin pour les Mérovingiens, le déclin du commerce avec la Méditerranée, au Proche-Orient, c’est le moment des prêches de Mahomet à la Mecque, puis de l’écriture du Coran… mais tout ça, pour Buoux, c’est comme hier parce que son site est habité, lui, depuis  JC - 130 000, alors une différence de 14 siècles, c’est quoi ? C’est rien.

Quand nous avons tourné à Buoux, en 2019, il y avait 64 habitants. 132 019 ans plus tôt, ils étaient à peu près le même nombre, mais ils étaient d’une autre espèce humaine : Néandertal. 64 habitants, ce n‘est pas beaucoup, mais sur toute la période, en tenant compte du renouvellement générationnel, ça fait 380 000 habitants. 256 000 néandertaliens et seulement 124 000 homo sapiens, dont ceux que Dolène, Félix, Rayane, Étienne et moi avons salués ce jour-là, quand on a attendu des heures sur place l’arrivée de l’équipe de tournage.

L’équipe était aux Taillades le matin, à la pointe ouest du massif du Luberon, pour tourner un autre Very Short Film, avec d’autres acteurs. Là-bas, la construction d’un plan a été compliquée et tout a débordé, l’après-midi entière a glissé dans ce contretemps. Elle est arrivée à Buoux, il était 17:00, un peu tard pour construire un autre tournage. Mais la journée était très belle et le soleil n’avait pas l’air pressé de la quitter. Longtemps, la lumière a été suffisante, les séquences dans le cimetière ont été réalisées les premières, ensuite le petit corps du petit film, placé à l’intérieur de la chapelle. Mais il faisait nuit à la remballe dans les camions.

Filmer, en tous cas comme on filmait chaque jour de cette période, ça prend du temps. Il faut découvrir ensemble les dialogues, répartir les rôles, mémoriser le texte, étudier les lieux et estimer leur évolution visuelle sous la course du soleil, imaginer plans et mouvements en conséquence, préparer les techniques appropriées. Les tâches sont divisées et les choses avancent ensemble mais quand même…
De toute façon, Le plus coûteux en temps, ce n’était pas ça, c’était  après, c’était quand ça tourne. C’est là que le temps filait, comme de l’eau entre les doigts. Le temps, c’est ce dont une caméra s’abreuve.

Vana veut dire que c’est ça que filme un film : du temps. Et surtout, surtout du temps, comment dire ? Du temps perdu ; perdu entre les silences et les phrases, perdu dans les yeux des acteurs, perdu entre les visages, sur les corps et autour. Et c’est peut-être ça, le cinéma : une perte de temps filmée, la mémoire d’un temps supplémentaire, un temps sans histoire, qui revient.

Et une remarque : pour la première fois, tous ceux qui tournaient ce soir-là avaient déjà tourné au moins une fois les jours précédents. Donc, pour nous tous, c’était le jour 1 d’une identité nouvelle et commune, venant s’ajouter aux identités que chacun et chacune avait déjà ; une identité d’acteur et d’actrice expérimenté.e.
À partir de ce jour, pour jouer, on a tous pu s’appuyer sur une connaissance pratique personnelle et collective préalable. Ça changeait beaucoup de choses, même si nous ne l’avons peut-être pas ressenti tout de suite. Et ça nous a rapprochés encore.

Du commun était créé, entre nous, entre les professionnels et nous. Il était naissant, mais on avait un patrimoine en partage : une certaine manière de se confronter à la création et des savoir-faire ensemble. Aussi une autre compréhension de ce que tout le monde fait en permanence dans la vie : tenir des rôles, dans des cadres.

 

 

Remerciements

Mairie de Buoux
Parc naturel régional du Luberon
Département du Vaucluse
Château de l’Environnement à Buoux (Vacances Léo Lagrange)
Éric Garnier

GALERIE