Compendium
Création contemporaine
Styles artistiques dans la préhistoire
L'ORIGINE DES STYLES - pluralité des arts préhistoriques
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UNE DIVERSITÉ SANS PROGRESSION LINÉAIRE
Plutôt qu’un passage d’un style "primitif" à un style "abouti", l’étude de l’art préhistorique montre une grande variété d’expressions qui coexistent sans hiérarchie. Chaque société a développé ses propres choix esthétiques en fonction de ses besoins symboliques, narratifs et techniques. Loin de l’idée dépassée d’un progrès inéluctable du savoir-faire, on observe une intelligence artistique plurielle qui adapte les formes et techniques aux contextes, aux croyances et aux matériaux disponibles.
Les différences de styles dans la peinture et le dessin préhistoriques ne relèvent pas d’une progression linéaire vers un "mieux", mais plutôt d’une diversité de formes, de techniques et d’usages selon les contextes culturels, géographiques et environnementaux. On observe donc plusieurs types d’approches, sans hiérarchie de complexité, qui coexistent ou évoluent en fonction des nécessités et des choix symboliques des groupes humains.
1. Opposition entre naturalisme et abstraction
Les styles de dessin et de peinture préhistoriques montrent une coexistence de formes réalistes et stylisées dès les premières expressions graphiques.
Style naturaliste (ou illusionniste) → Exemples : les grottes de Lascaux (France) et d’Altamira (Espagne)
- Une attention particulière est portée au modelé des corps, au volume et au mouvement ;
- des techniques de dégradé, d’estompe et de superposition des couleurs sont employées pour créer une impression de relief ;
- l’usage des contours courbes et dynamiques confère aux figures une sensation de vie et de mouvement ;
- un intérêt pour la perspective tordue : certaines figures sont représentées avec des vues combinées (profil et face).
Style schématique et géométrique → Exemples : les peintures du Levant espagnol ou certaines figures de l’art rupestre africain (Tassili, Algérie)
- Les figures humaines et animales sont réduites à des silhouettes, parfois réduites à des traits et des formes élémentaires ;
- une simplification extrême des formes, qui peut être interprétée comme un choix symbolique et narratif, plutôt qu’un manque de technique ;
- une tendance au rythme visuel, à la répétition et à l’abstraction.
Les deux styles peuvent se retrouver dans une même période ou un même site, ce qui montre bien que le réalisme n’est pas une "avancée", mais un choix parmi d’autres.
2. Techniques et modes d’application variés
Le style ne dépend pas seulement du rendu formel, mais aussi des techniques employées, qui varient selon les sites et les groupes humains.
Le dessin au trait
- Utilisation de fusains, d’ocres ou d’hématite pour tracer des contours ;
- présent dans des grottes comme Chauvet ou Niaux ;
- peut être complété par un travail au doigt pour estomper et créer des effets de relief.
Le modelé par ombrage
- Typique de Lascaux et Altamira : superpositions de teintes pour donner du volume ;
- utilisation de dégradés et de nuances obtenues par soufflage ou tamponnage.
Les empreintes et pochoirs
- Mains négatives réalisées en soufflant des pigments autour d’une main posée sur la paroi (ex. : grotte de Gargas en France ou Cueva de las Manos en Argentine) ;
- traces de doigts dans des argiles molles ou enduits naturels.
Le grattage et la gravure
- Présent dans des sites comme Les Trois-Frères (France) ou la Serra da Capivara (Brésil) ;
- technique mixte combinant dessin et sculpture.
3. Différences de styles en fonction du contexte culturel et géographique
Plutôt qu’un modèle unique d’évolution, on observe des diversités régionales, influencées par les traditions, les matières disponibles et les usages de ces œuvres.
L’art rupestre du Paléolithique européen (Lascaux, Chauvet, Altamira)
- Souvent naturaliste ;
- peintures exécutées dans des grottes profondes ;
- usage du modelé et de la perspective.
L’art rupestre du Sahara (Tassili, Algérie, et autres sites africains)
- Fortement schématique, avec des silhouettes humaines filiformes et dynamiques ;
- représentation d’animaux et de scènes de vie quotidienne ;
- développement de scènes narratives et dynamiques.
L’art des Aborigènes d’Australie
- Utilisation de la technique du pointillisme et de motifs en "rayons X" montrant l’intérieur des figures ;
- art encore vivant aujourd’hui, ce qui permet de comprendre son lien avec les croyances et le territoire.
L’art amérindien (Cueva de las Manos, peintures et pétroglyphes de l’ouest américain)
- Combinaison de mains négatives, de silhouettes et de symboles abstraits ;
- art souvent lié à des rites chamaniques.