Compendium

Histoire du rap

>> [ Jean Michel BRUYÈRE ]

Une histoire du rap US

J DILLA – Donuts - 2006

[TEXTE - VIDÉO] [3 minutes]

Les albums qui ont changé le rap

 

J Dilla – Donuts (2006)

 

J Dilla Died In 2006. He's Now Being Sued for Using a 1974 Rock Sample

Hip hop artist J Dilla 

L’influence de J Dilla sur les producteurs des années 2000 ne se mesure pas au nombre de musiciens qui l’ont imité, mais plutôt à tous ceux qu’il a traumatisés par sa dextérité. Donuts est un chant du cygne, le dernier disque offert seulement trois jours avant que le producteur ne décède à l’âge de 32 ans. Les morceaux de soul, de funk, de rock des années 1970 sont découpés méticuleusement, réassemblés sur des beats pour certains composés sur un lit d’hôpital, et Galt MacDermot, les Jackson 5, 10cc, Jerry Butler et Frank Zappa deviennent instantanément hip-hop, comme par magie. Sorte de mixtape brute volontairement salie, Donuts est un manifeste sonore, un disque sensible auquel bien des beatmakers se réfèrent encore aujourd’hui, à raison.
 

 

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Donuts
J Dilla
Parution chez Stones Throw Records le 7 février 2006
Hip-Hop/Rap - 31 Titres - 43m 24s

Donuts a été réalisé sur un lit d'hôpital et dans un home studio, sur une configuration épurée avec une pile de vinyles. Sorti le jour du 32e anniversaire de son créateur, trois jours avant son décès, l'album a une résonance plus profonde que quiconque aurait pu même l'imaginer. Certains proches de Dilla ont dit qu'il y avait des messages cachés dans les échantillons, les titres des morceaux et qui sait où d'autre. Il est impossible de ne pas spéculer sur certaines choses, comme le morceau intitulé "Don't Cry", le "broken and blue" en boucle d'une version de "Walk on By", la présence d'Eddie Kendricks chantant "My people, hold on, " ou le fait qu'il y ait 31 morceaux, un signe possible que Dilla a survécu un peu plus longtemps que prévu. Là encore, pour chaque message possible, il y a deux ou trois éléments qui auraient pu être conçus pour faire dévier toute analyse de sa piste. Après tout, s'il y a une seule image qui nous vient à l'esprit, c'est bien celle de Dilla en train de faire des gaffes, de s'amuser avec certains de ses disques préférés, et de déconner certaines têtes au passage. Armé de sources qui sont soit connues des observateurs d'échantillons débutants, soit seulement des creuseurs les plus chevronnés -- étonnamment , le premier l'emporte largement sur le second - Dilla est également tout aussi susceptible de laisser ses échantillons à peine touchés que de les rendre méconnaissables. Il est normal que les échos de la Motown, un thème prédominant, soient souvent ressentis, depuis l'utilisation de "You're Gonna Need Me" écrit par Holland-Dozier-Holland de Dionne Warwick (sur "Stop"), jusqu'aux vagues changeantes de percussions extraites de "People... Hold On" de Kendricks (sur "People"), aux licks de piano de type Stevie dans "The Fruitman" de Kool & the Gang ("The Diff'rence"). La plupart des morceaux se situent entre 60 et 90 secondes. Il est facile d'être dépassé, voire découragé, par la séquence de tir rapide, mais il est étonnant de voir à quel point tant de croquis laissent une impression immédiate. À la troisième ou quatrième écoute, ce qui semblait initialement être un flux aléatoire de fragments assemblés commence à prendre la forme d'une suite de 44 minutes remplie de joie nostalgique. Comme tout ce que Dilla a fait, Donuts ne définit pas ; en fait, des éléments de son approche révèlent l’influence apparente de Madlib, collaborateur de Jaylib. Son style a toujours été trop glissant et trop progressif pour être assimilé à un seul morceau ou album, mais Donuts pourrait bien être la sortie qui reflète le mieux sa personnalité. © Andy Kellman /TiVo